INTERVIEW DE CCB PAR JRT

<p align="center">INTERVIEW DE CCB PAR  JRT</p>
<p>1) Quelles sont les principales actions que  vous entendez mener au cours de votre mandat&nbsp;?</p>
<p>Permettez-moi d&rsquo;abord de vous rappeler que le  CNB est un parlement qui élit non seulement son président mais aussi les  membres de son bureau et les présidents des commissions. Le président du CNB  n&rsquo;a pas pour fonction de décider seul, mais d&rsquo;être le porte-parole du CNB,  c&rsquo;est-à-dire le représentant de la profession toute entière.</p>
<p>Bien sûr, il appartient au président, en  harmonie avec son bureau, d&rsquo;impulser des réformes et de définir des  orientations sur lesquelles travaillent les commissions pour présenter ensuite  une résolution ou un projet soumis au vote de l&rsquo;assemblée générale.</p>
<p>Nous avons d&rsquo;ores et déjà défini un certain  nombre de sujets qui nous paraissent importants&nbsp;:</p>
<p>- l&rsquo;amélioration de la représentation des  avocats au sein d&rsquo;une institution nationale réformée pour la rendre plus  représentatives et plus efficace&nbsp;;</p>
<p>- un travail sur la formation initiale des  avocats pour la rendre à la fois plus courte et recentrée sur  l&rsquo;essentiel&nbsp;: la déontologie, les relations avec les clients, les  adversaires, les partenaires et les magistrats&nbsp;; la gestion d&rsquo;un  cabinet&nbsp;; la pratique de l&rsquo;écrit et l&rsquo;apprentissage de l&rsquo;oral, qu&rsquo;il s&rsquo;agisse  de négocier ou de plaider, etc. On doit également y enseigner le maniement des  procédures.</p>
<p>En revanche, on doit s&rsquo;interdire de mimer  l&rsquo;université&nbsp;: l&rsquo;enseignement du droit lui appartient et ce n&rsquo;est pas le  rôle des écoles d&rsquo;avocats.</p>
<p>- le CNB travaillera également à l&rsquo;ouverture  aux nouveaux métiers du droit, l&rsquo;avocat étant, par définition, plus légitime  que tout autre juriste, partout où le droit est en cause, puisqu&rsquo;il s&rsquo;y  applique en respectant une déontologie exigeante&nbsp;;</p>
<p>- une grande réforme de la procédure disciplinaire  s&rsquo;impose pour la rendre plus transparente, tout en permettant au plaignant d&rsquo;y  avoir légitimement sa place&nbsp;; elle à l&rsquo;étude de la Commission règles et  usages.</p>
<p>- Nous veillons avec détermination au respect  du secret de l&rsquo;avocat qui n&rsquo;est ni un privilège ni un pavillon de complaisance  comme j&rsquo;ai eu souvent l&rsquo;occasion de le dire au moment de mon combat contre la  troisième directive anti-blanchiment, mais le droit pour toute personne en  démocratie de pouvoir s&rsquo;adresser à un confident nécessaire qui ne la trahira  pas.</p>
<p>- nous formulerons également des propositions  en matière de procédure pénale dont la réforme a été si longtemps annoncée et  jamais entreprise afin que soit enfin mis à égalité la défense et l&rsquo;accusation  dans un respect scrupuleux des droits de chacun&nbsp;; </p>
<p>- enfin, nous devons rayonner vis-à-vis des  pays de la francophonie en multipliant l&rsquo;accueil des stagiaires qui le désirent  et en leur facilitant leur séjour pour ceux d&rsquo;entre eux qui viennent de pays  économiquement moins prospères. De même, nous sommes en relation avec plusieurs  pays amis désireux que nous organisions pour eux et leurs jeunes avocats des  rencontres afin d&rsquo;aider à leur formation, notamment en déontologie.</p>
<p>Au sein de l&rsquo;Europe, nous devons continuer à  promouvoir une conception unique à la formation de la profession d&rsquo;avocat,  indépendante, exerçant elle-même la discipline et échappant au dogme de la  libre concurrence et du marché dont les conséquences risqueraient de  transformer les avocats en simples marchands de droit.</p>
<p>2) A la suite des multiples réformes votées  par le parlement durant les cinq années écoulées, quelles ont été les avancées  majeures du droit&nbsp;?</p>
<p>La plus importante, de loin, est  l&rsquo;instauration de la question prioritaire de constitutionnalité. La France  était en retard par rapport à plusieurs de ses voisins européens. Cette réforme  permet, même lorsque la loi n&rsquo;a pas été censurée par le Conseil constitutionnel  avant sa promulgation, de la faire déclarer contraire à la Constitution. Si les  circonstances ont changé, soit parce que le personnel chargé de l&rsquo;appliquer n&rsquo;a  pas la même formation que celui prévu à l&rsquo;origine, soit parce que d&rsquo;autres  textes de loi survenus depuis en modifient la portée.</p>
<p>Il faut saluer l&rsquo;initiative prise par le  pouvoir politique qui a instauré cette réforme au cours du précédent  quinquennat. </p>
<p>La réforme de la garde à vue, imposée au  parlement plutôt qu&rsquo;il ne l&rsquo;a décidée, a été une avancée importante. La France,  là encore, était très en retard par rapport à l&rsquo;Angleterre, à l&rsquo;Allemagne, à  l&rsquo;Espagne ou à l&rsquo;Italie. Elle était même en retard par rapport à la Turquie qui  avait modifié sa législation en ce domaine après des arrêts de la Cour  européenne des droits de l&rsquo;homme du 27 novembre 2008 et du 13 octobre 2009  (Salduz et Dayanan).<br>
  Un progrès demeure à faire pour lequel je  compte sur la commissaire européenne, Mme Viviane Reding. Nous proposerons au  nouveau parlement un texte de loi rédigé comme suit&nbsp;:</p>
<p>«&nbsp;Toute  personne amenée à se rendre auprès des autorités de police, de gendarmerie ou  des représentants du ministère public a la faculté de se faire accompagner par  un avocat&nbsp;».</p>
<p>Quant à la faculté de renoncer à la présence  de l&rsquo;avocat, elle devra être formulée, au seuil de la garde à vue, en présence  d&rsquo;un avocat pour qu&rsquo;il n&rsquo;y ait pas de doute sur la sincérité de cette  renonciation.</p>
Dans le même temps, la précédente législature  est celle qui a adopté les peines planchers, la rétention de sûreté,  l&rsquo;aggravation des mesures concernant les mineurs et les jurés siégeant en  correctionnelle. Ces réformes, qui n&rsquo;ont été accompagnées d&rsquo;aucune amélioration  de la condition pénitentiaire, sont à mettre au passif du législateur des cinq  dernières années.
<p>3) Les barreaux de province rencontrent de  graves difficultés dans le fonctionnement du RPVA mis en place. La  responsabilité civile du Conseil national des barreaux pourrait-elle être  engagée&nbsp;? Celle-ci pourrait-elle s&rsquo;aggraver avec l&rsquo;application de la  procédure d&rsquo;appel devant la Cour&nbsp;? Comment entendez-vous y remédier&nbsp;?<br>
  Je ne  puis être d&rsquo;accord avec votre façon de poser la question. Dès ma prise de  fonction, j&rsquo;ai fait l&rsquo;analyse d&rsquo;un audit et la commission des nouvelles  technologies a été confiée à Me Clarisse Berrebi, membre de l&rsquo;ACE, dont la  compétence n&rsquo;est pas discutée. En réalité, les difficultés rencontrées par le  RPVA sont d&rsquo;ordre très divers&nbsp;: le plus grand nombre tient à  l&rsquo;inadéquation des configurations informatiques des confrères dont beaucoup  doivent se mettre à niveau avec le concours de leur informaticien personnel.  Ensuite, d&rsquo;autres difficultés tiennent à des erreurs sur les adresses  transmises par les avocats eux-mêmes ou par les barreaux à l&rsquo;UNCA de qui nous  les recevons. Enfin, l&rsquo;harmonisation n&rsquo;est pas toujours parfaite entre les  juridictions et les barreaux. En tout état de cause, c&rsquo;est un souci primordial  du Conseil national des barreaux.</p>
<p>4) N&rsquo;estimez-vous pas que les parties  demanderesses devant les Conseils de Prud&rsquo;hommes devraient être dispensées du  droit de timbre de 35 €&nbsp;?<br>
  Oui bien sûr. Mais en réalité, aucun plaideur  ne devrait être tenu d&rsquo;acquitter ce timbre.</p>
<p>L&rsquo;accès à la justice constitue un droit  fondamental aussi impérieux que le droit à la santé. Une société sans justice  serait une jungle où la loi du plus fort l&rsquo;emporterait sur les droits du  faible.</p>
<p>Evidemment la justice a un coût&nbsp;: Il  faut entretenir les maisons de justice, payer leur personnel, rémunérer les  juges et les avocats. Une justice sans avocat est aussi inconcevable qu&rsquo;une  justice sans juge et l&rsquo;un et l&rsquo;autre doivent pouvoir vivre de leur métier.</p>
<p>L&rsquo;Etat prend en charge la rémunération des  magistrats et des personnels de justice. Chaque partie qui veut être aidée par  un avocat rémunère son avocat à charge, pour celui qui a entrepris un mauvais  procès ou abusé de la justice, de payer ce qu&rsquo;il en a coûté à l&rsquo;autre pour se  défendre.</p>
<p>L&rsquo;accès à la justice suppose qu&rsquo;il y ait des  tribunaux et des magistrats en nombre suffisant. Cela implique également que  ceux qui n&rsquo;ont pas les moyens de rémunérer à son prix l&rsquo;avocat, puisse recourir  à ses services sans qui lui en coûte.</p>
Nous allons promouvoir auprès du nouveau  Ministre de la justice la réforme dont je ne suis pas le seul inventeur et que  j&rsquo;avais proposée pendant mon bâtonnat au Conseiller à la Cour des comptes et au  conseiller d&rsquo;Etat qui étaient venus m&rsquo;interroger.
<p>L&rsquo;Etat qui abondait autrefois le budget de  l&rsquo;aide juridictionnelle à hauteur de 300.000.000 d&rsquo;euros (contre 2.400.000.000  de livres en Angleterre) n&rsquo;en paie en réalité que 240 à 250 millions par an et  se dit incapable de fournir un sou de plus. La protection juridique ne  fonctionne pas en tant que telle. Simplement, il existe des clauses  «&nbsp;défense et recours&nbsp;» dans les contrats d&rsquo;assurance de toute sorte  qui prétendent fournir à l&rsquo;assuré l&rsquo;assistance d&rsquo;un avocat en cas de litige.  Les assureurs rémunèrent très faiblement les avocats tout en se plaignant  qu&rsquo;ils soient intéressés. Mais ils gagnent tout de même 700 millions d&rsquo;euros  par an grâce à la protection juridique.</p>
<p>Ce n&rsquo;est de leur côté que nous devons  attendre la solution. Voici notre proposition&nbsp;: il existe, dans le domaine  du droit, deux sortes d&rsquo;activités. L&rsquo;une est une activité en creux, si je puis  dire, et sommes toutes déceptives&nbsp;: c&rsquo;est le procès qu&rsquo;on est obligé de  subir ou d&rsquo;intenter. L&rsquo;autre activité juridique c&rsquo;est la convention, l&rsquo;échange,  source d&rsquo;un progrès, d&rsquo;une entreprise et, pour beaucoup, d&rsquo;un enrichissement.  Il suffit de percevoir à l&rsquo;occasion de la signature de toute convention soumise  à publicité ou à enregistrement (ventes immobilières, cession de fonds de  commerce ou d&rsquo;éléments d&rsquo;actif, conclusion ou renouvellement de baux  commerciaux, constitution de sociétés ou cession de droits sociaux, contrat de  licence de marque ou de brevet publié à l&rsquo;INPI, comme sur tous les contrats  d&rsquo;assurance-vie et tous les contrats de prêt auprès d&rsquo;une banque pour  l&rsquo;acquisition d&rsquo;un bien immobilier)&nbsp;:</p>
<p>- une contribution aide-juridictionnelle du  montant du droit de timbre, aujourd&rsquo;hui imposé dans le cadre des procédures, et  l&rsquo;on abondera le budget dans des proportions importantes. Ce sera indolore pour  celui qui paye au moment où il s&rsquo;engage dans une opération contractuelle  onéreuse. Et ce sera juste puisqu&rsquo;il bénéficiera éventuellement plus tard,  lorsqu&rsquo;il lui faudra plaider sur la convention et qu&rsquo;il n&rsquo;aura plus les moyens  de payer un avocat, de l&rsquo;aide-juridictionnelle.<br>
  C&rsquo;est une sorte de mutualisation du risque  beaucoup plus rationnelle que le système actuel qui fait payer, au moment  d&rsquo;accéder à la justice, celui qui a besoin du juge contre le principe même du  libre accès à la justice.</p>
<p>Je vous signale au passage que le parti  socialiste dans la législature qui s&rsquo;achève avait déposé une proposition de loi  en ce sens qui n&rsquo;a pas eu de suite. Je compte beaucoup sur la nouvelle  majorité.</p>
5) Peut-on imaginer que le Conseil  constitutionnel invalide le récent décret du Ministère de la Justice  reconnaissant aux parlementaires de la faculté d&rsquo;accéder à la profession  d&rsquo;avocat alors qu&rsquo;ils ne sont pas titulaires du diplôme&nbsp;?
<p>Nous avons entrepris, le CNB en tête, un  recours contre le décret dit «&nbsp;décret de révision passerelle&nbsp;».</p>
<p>Ce décret est, en effet, d&rsquo;une grande  imprécision dans sa rédaction&nbsp;: au lieu de dire qu&rsquo;il permet aux  sénateurs, aux députés ou aux membres du gouvernement d&rsquo;accéder à la profession  d&rsquo;avocat, il parle de personnes «&nbsp;ayant  exercé des responsabilités publiques&nbsp;»&nbsp;; au lieu de rappeler que  ce nouvel article 97-1 s&rsquo;appliquerait à des personnes ayant au moins le niveau  de maîtrise en droit ou d&rsquo;un diplôme équivalent comme le prévoit l&rsquo;article 11  de la loi du 31 décembre 1971, il se borne à caractériser ces candidats sous la  formule vague&nbsp;: «&nbsp;ayant  participé effectivement à l&rsquo;élaboration de la loi&nbsp;».</p>
<p>J&rsquo;ai eu l&rsquo;occasion de le dire à maintes  reprises&nbsp;: un avocat très naturellement s&rsquo;investit dans la vie de la cité,  comme élu local ou parlementaire. C&rsquo;est le prolongement de cette mission de  juriste engagé au service de ces contemporains.</p>
<p>L&rsquo;article LO 149 de la loi organique de 1959,  énonce que les incompatibilités qui s&rsquo;imposent à l&rsquo;avocat devenu  parlementaire&nbsp;: </p>
<p>- ne plaide ni pour ni contre l&rsquo;Etat, ni en  matière de fraude fiscale, ni pour ou contre des sociétés nationalisées, ni en  diffamation publique en correctionnelle, notamment. C&rsquo;est un cursus fréquent  que cette expansion de l&rsquo;avocat qui investit le champ public au-delà de la  salle d&rsquo;audience.</p>
<p>Le chemin inverse requiert une certaine  exigence, s&rsquo;agissant de personnes, certes tout à fait honorables, qui n&rsquo;ont pas  choisi à l&rsquo;origine le métier d&rsquo;avocat et qui, venant de l&rsquo;espace public,  veulent rejoindre le champ du conseil ou de la défense.</p>
<p>Nous n&rsquo;avons aucune prévention contre ceux  qui veulent devenir avocat après avoir connu une autre carrière mais à trois  conditions&nbsp;:</p>
<p>1. ils doivent justifier d&rsquo;une compétence  juridique sanctionnée par diplôme au moins équivalents à la maîtrise en  droit&nbsp;;</p>
<p>2. leur cursus personnel ne doit pas s&rsquo;être  éloigné de la pratique du droit, faute de quoi leur diplôme, des années après,  ne serait qu&rsquo;un chiffon de papier&nbsp;;</p>
<p>3. ils doivent accepter de soumettre à une  formation en déontologie préalable à leur prestation de serment, afin de  prendre l&rsquo;exacte conscience de l&rsquo;identité de l&rsquo;avocat qu&rsquo;ils deviennent et des  devoirs qui s&rsquo;imposent à lui. Les ordres, maîtres de leur tableau, sous le  contrôle de la Cour d&rsquo;Appel, apprécient souverainement si le postulant est doté  des qualités nécessaires.</p>
<p>Reste la question du carnet d&rsquo;adresses et du  rôle que jouerait ce nouvel avocat en raison de son passé de parlementaire ou  d&rsquo;homme politique.</p>
<p>Il faut distinguer entre le parlementaire  devenu avocat et qui n&rsquo;est plus parlementaire au moment où il s&rsquo;inscrit au  barreau&nbsp;: de quoi pèse alors son carnet d&rsquo;adresses&nbsp;? Surtout, c&rsquo;est  faire injure aux magistrats français que d&rsquo;imaginer qu&rsquo;ils sont sensibles à une  influence quelconque. Je parle des magistrats qui jugent et dont je tiens à saluer  l&rsquo;indépendance. Si ce nouvel avocat exerce dans le monde du conseil ou de la  négociation, que doit-on redouter&nbsp;? Il existe maints avocats dont le  carnet d&rsquo;adresses est autrement plus fourni que celui de bien des  parlementaires. Tant mieux pour eux s&rsquo;ils sont utiles à leurs clients, dès lors  qu&rsquo;ils ne pratiquent la corruption ou le trafic d&rsquo;influence. Si tel était le  cas, il serait immédiatement traduit en conseil de discipline et radié.</p>
<p>Reste la deuxième catégorie&nbsp;: celle des  parlementaires devenant avocat tout en continuant à exercer leur mandat. Il  n&rsquo;est pas possible de leur interdire sous peine de porter atteinte à l&rsquo;égalité  qui existe entre eux d&rsquo;une part et les avocats devenus parlementaires qui  continuent à exercer sous réserve des incompatibilités que j&rsquo;ai énoncées tout à  l&rsquo;heure.</p>
<p>On pourrait imaginer qu&rsquo;un nouvel article de  loi dispose que le parlementaire avocat (ou l&rsquo;avocat parlementaire) s&rsquo;interdit  de susciter, de soutenir ou de voter un texte de loi de nature à favoriser l&rsquo;un  de ses clients ou l&rsquo;un des clients du cabinet où il exerce. Ce serait un  article de plus dans la loi organique LO 149 ou dans la loi du 31 décembre  1971.</p>
<p>Voilà comment la question doit être traitée  de bonne foi.</p>
<p>6) Pensez-vous qu&rsquo;une réforme des conditions  d&rsquo;élection au CNB serait souhaitable pour assurer une meilleure représentation  nationale de la profession d&rsquo;avocat&nbsp;? Les trois institutions&nbsp;:  Conseil National des Barreaux, Conférence des Bâtonniers et Ordre des Avocats  de Paris, sont-elles à l&rsquo;unisson&nbsp;? En d&rsquo;autres termes, parlent-elles  toujours de la même voix&nbsp;?</p>
<p>Nous avons ouvert un débat au CNB lors de  l&rsquo;assemblée générale du début du mois de mai sur cette question. Ce débat s&rsquo;est  présenté comme un forum au cours duquel chacune des composantes de l&rsquo;assemblée  (collège ordinal Province, collège ordinal Paris, syndicat, associations,  listes indépendantes) ont eu la parole 10 à 12 minutes pour exprimer leur choix  sur les six grandes questions suivantes&nbsp;: organisation de la profession au  plan local&nbsp;; au plan régional&nbsp;; réforme du scrutin (liste nationale  ou maintien des divisions actuelles entre Province et Paris)&nbsp;; maintien  des corps électoraux divisés ou au contraire unification des collèges  électoraux pour faire élire par l&rsquo;ensemble des avocats les membres de toutes  les listes, en ceux compris les ordinaux&nbsp;; élection du président au  suffrage universel ou par l&rsquo;assemblée&nbsp;; quel régime juridique pour les  organes techniques (UNCA, ANAAFA, etc…)&nbsp;?</p>
Une rédaction a été entreprise de  l&rsquo;intégralité des débats qui ont eu lieux dont nous tirerons les conclusions  aux assemblées d&rsquo;avant l&rsquo;été pour parvenir à un projet de réforme et à un vote  d&rsquo;assemblée générale en septembre ou octobre prochain au plus tard.
<p>Les choses ne se feront pas en un jour. Mais  elles se feront et, sur ce plan là, qu&rsquo;elles que soient les différentes  sensibilités qui s&rsquo;expriment, et leurs légitimes différences, ce sera un vote à  la majorité qui décidera du projet que nous proposerons à la Chancellerie.</p>
<p>7) Etes-vous partisan de la création du  statut salarié dans l&rsquo;entreprise&nbsp;? Le secret professionnel ne serait-il  pas menacé&nbsp;? Il semble déjà l&rsquo;être par les avocats de culture  anglo-saxonne&nbsp;? Que pensez-vous du rapport Prada&nbsp;?</p>
<p>Voilà une série de questions tout à fait  passionnantes et importantes. Quand j&rsquo;ai créé la première relation entre la  conférence du stage du barreau de Paris et le jeune barreau Américain en 1975,  il y avait 13000 avocats en France et 40000 jeunes avocats américains de moins  de 40 ans.</p>
<p>Au congrès de la jeune section des American  Bar Association à Atlanta en 1976, j&rsquo;avais découvert que l&rsquo;avocat Américain  pouvait exercer en entreprise. Les cartes de visite qu&rsquo;il remettait portaient  le logo et la marque de la société qui l&rsquo;employait. Je pense notamment à l&rsquo;un  de mes amis de l&rsquo;époque, le chef des juristes de Texaco qui avait 250 juristes  sous ses ordres&nbsp;!</p>
<p>J&rsquo;ai connu le Canada à la même époque et j&rsquo;y  ai fait le même constat. Comme vous le savez le solliciteur Britannique peut  être le représentant légal d&rsquo;une société. Il en va de même pour l&rsquo;Espagnol. En France  même, il est fréquent que le directeur des affaires juridiques et contentieuses  d&rsquo;une grande entreprise soit un ancien avocat. J&rsquo;ai eu ainsi l&rsquo;occasion de  retrouver un confrère de ma génération. Nous avions été avocats ensemble. Puis  il était devenu le juriste d&rsquo;un très grand groupe en même temps qu&rsquo;il siégeait  comme juge au Tribunal de Commerce&nbsp;! Et sous prétexte qu&rsquo;il était avocat,  il ne s&rsquo;est jamais passé de l&rsquo;assistance d&rsquo;anciens confrères à lui, soit pour  plaider pour l&rsquo;entreprise, soit pour l&rsquo;assister à l&rsquo;occasion de négociation.</p>
<p>Je parle à titre personnel bien sûr, car  cette question fait l&rsquo;objet de débats très rude au sein du barreau Français.  Mais il faut se garder des positions dogmatiques inspirées par des fantasmes.  Le fait que demain un avocat soit salarié d&rsquo;une entreprise ne l&rsquo;empêchera pas  de s&rsquo;adresser à des confrères extérieurs&nbsp;: au contraire, cet avocat  extérieur garantira en quelque sorte sa responsabilité aux yeux de son  employeur et fortifiera son indépendance intellectuelle.</p>
<p>En outre, les DPE ou les PME, même d&rsquo;une  certaine importance, n&rsquo;engageront pas un avocat en tant que salarié avec toutes  les conséquences pécuniaires lourdes que cela pourrait entraîner. Elles  préfèreront toujours s&rsquo;adresser à lui à la tâche comme à tout prestataire  extérieur.</p>
<p>J&rsquo;invite d&rsquo;ailleurs mes confrères à aller sur  internet pour consulter le document Canadien qui aborde de manière concrète,  question après question, avec ce réalisme qui fait la force des gens qui  avance, la question de l&rsquo;avocat dans ses rapports avec les membres de  l&rsquo;entreprise, depuis le Shift Manager jusqu&rsquo;à  la secrétaire du service, en passant par les associés minoritaires ou  majoritaires. Nul plus que les Canadiens n&rsquo;est sensible à la protection su  secret.</p>
<p>Reste que le rapport Prada pose des  problèmes. Il imagine en effet un secret professionnel au rabais, Ce qui est  inconcevable à mes yeux. S&rsquo;il devait exister un avocat salarié dans  l&rsquo;entreprise, son bureau serait un sanctuaire et il ne pourrait y avoir de  perquisition qu&rsquo;en présence du Bâtonnier ou de son représentant et à la seule  diligence d&rsquo;un juge d&rsquo;instruction. La procédure serait la même que pour les  perquisitions dans un cabinet d&rsquo;avocats.</p>
<p>En second lieu, l&rsquo;avocat licencié par  l&rsquo;entreprise ne serait pas justiciable de la section encadrement du Conseil de  Prud&rsquo;hommes.</p>
<p>Aujourd&rsquo;hui, l&rsquo;avocat salarié d&rsquo;un cabinet  d&rsquo;avocat saisi en premier ressort comme juge du conflit du travail le  Bâtonnier. On ne peut imposer cette solution aux entreprises. Mais l&rsquo;on peut  imaginer une juridiction mixte composée de représentants du MEDEF et de  représentants du Bâtonnier pour trancher les conflits du travail.</p>
<p>On peut aussi imaginer une saisine du  Bâtonnier par voie de question préjudicielle s&rsquo;il se pose une question d&rsquo;ordre  déontologique qui ne peut être traitée que dans la confidence partagée, un peu  à la manière de l&rsquo;expertise médicale ordonnée par un juge et qui permet à un  médecin de dire à son confrère désigné comme expert tout ce qu&rsquo;il n&rsquo;a pas le  droit de dire à d&rsquo;autres.</p>
<p>Bien des questions seraient à régler&nbsp;:  la faculté laissée ou au contraire de l&rsquo;interdiction faite à l&rsquo;avocat salarié  de plaider pour l&rsquo;entreprise, alors qu&rsquo;aujourd&rsquo;hui le juriste salarié a le  droit de représenter l&rsquo;entreprise au Tribunal de Commerce ou devant le Conseil  de Prud&rsquo;hommes&nbsp;; le devoir de vigilance et de déclaration de soupçons  auprès du Bâtonnier dans le cadre de la directive anti-blanchiment transposée  en 2010 en droit Français&nbsp;; l&rsquo;inscription au tableau de l&rsquo;ordre et les  cotisations y afférentes&nbsp;; etc… Toutes ces questions doivent être abordées  par la profession qui, si elle se contente de répondre par des apophtegmes  risquera de se voir imposer une réforme qu&rsquo;elle n&rsquo;aura pas maîtrisée. Que la  profession dise à la fin oui ou non, elle ne sera recevable à s&rsquo;exprimer que  s&rsquo;il a regardé de très près la question dans tous ses aspects concrets.</p>
<p>Le problème du secret pour un avocat en  entreprise doit être réglé, ai-je dit, comme pour les avocats libéraux ou  salarié d&rsquo;un cabinet d&rsquo;avocat dans le rapport avec la justice. De même,  vis-à-vis des tiers. En revanche, le secret de l&rsquo;avocat, contrairement à  certaines erreurs communes, n&rsquo;est pas opposable à son supérieur, chef de  l&rsquo;entreprise ou mandataire social, puisque c&rsquo;est précisément son client.</p>
<p>L&rsquo;avocat n&rsquo;a rien à cacher à son client  puisque le secret est fait pour sa protection exclusive. On confond souvent  deux ordres de choses&nbsp;: j&rsquo;ai le devoir de faire lire à mon client la  lettre que j&rsquo;ai reçue de l&rsquo;avocat de la partie adverse. En revanche, au titre  de la confidentialité, je n&rsquo;ai pas le droit de lui remettre la copie, sauf s&rsquo;il  s&rsquo;agit d&rsquo;une lettre officielle.</p>
<p>De ce point de vue, nous devons tenir à nos  règles, sans craindre les anglo-saxons. Leur relation avec le secret n&rsquo;est pas  la même que la nôtre. Je ne dis ni qu&rsquo;elle est pire, ni qu&rsquo;elle est meilleure,  c&rsquo;est une autre culture dont nous reparlerons un autre jour si vous le voulez  bien.</p>
<p>8) Que pensez-vous des projets d&rsquo;aggravation  de la procédure pénale et des peines en matière d&rsquo;actes de terrorisme.  L&rsquo;arsenal actuel de répression n&rsquo;y suffit-il pas&nbsp;? Parmi les réponses à  espérer ou à corriger, êtes-vous oui ou non partisan d&rsquo;une réforme du statut du  Parquet&nbsp;? Etes-vous pour le maintien des jurés-citoyens devant les  tribunaux correctionnels&nbsp;?</p>
<p>La législature qui s&rsquo;achève a émis une série  de lois que je n&rsquo;ai pas manqué de critiquer et je n&rsquo;étais pas le seul. </p>
<p>Cela avait commencé avant elle il est vrai,  avec l&rsquo;allongement de la garde à vue à six jours en matière de terrorisme par  une loi de 2004 retardant la venue de l&rsquo;avocat jusqu&rsquo;à la 72ème  heure et même la 96ème en matière de terrorisme.</p>
<p>Les peines planchers, la rétention de sûreté  et la réforme du droit des mineurs m&rsquo;avaient conduit à publier, en janvier 2011  un petit essai, «&nbsp;La rage sécuritaire&nbsp;», que j&rsquo;avais adressé à  tous les Bâtonniers de France.</p>
<p>Dans le temps où le gouvernement et le  parlement n&rsquo;avaient pour toute réponse que celle de l&rsquo;enfermement, le plus  longtemps possible, y compris pour les enfants, nos prisons continuent à faire  honte aux pays civilisés tant elles sont des pourrissoirs où la naissance ou la  renaissance à l&rsquo;humain relève du miracle.</p>
<p>Georges Bernanos écrivait, au lendemain de la  guerre de 14-18&nbsp;: «&nbsp;Tous les  vingt ans, les jeunesses du monde posent une question à laquelle les vieux ne  savent pas répondre. Faute de répondre, ils mobilisent&nbsp;!&nbsp;». C&rsquo;est  une phrase admirable qui peut être transposée exactement à notre société  actuelle&nbsp;: faute de réponse aux angoisses de la jeunesse et notamment à  cette part de la jeunesse que l&rsquo;on n&rsquo;éduque pas, que l&rsquo;on n&rsquo;intègre pas, à qui  l&rsquo;on ne donne pas de travail, on l&rsquo;incarcère.</p>
<p>Je ne veux pas faire d&rsquo;angélisme. Mais nous  savons très bien que les désordres pénaux sont liés principalement à la misère  culturelle financière et sociale.</p>
<p>Vous me parlez de la réforme du statut du  Parquet. Elle est nécessaire en raison de l&rsquo;ambiguïté actuelle. En effet, un  vieux dicton énonce&nbsp;: «&nbsp;si la  plume est serve, la parole est libre&nbsp;». Le Parquet qui dépend de  l&rsquo;exécutif, reçoit naturellement des instructions. Mais il a le droit de dire,  après avoir requis ce qu&rsquo;on lui demande, qu&rsquo;il a reçu une instruction mais qu&rsquo;il  n&rsquo;a&nbsp;???? contraire. Personne ne le fait jamais. Du moins, ne l&rsquo;ai-je  jamais entendu en près de quarante de vie professionnelle.</p>
Pire&nbsp;! Quand on demande à un parquetier  s&rsquo;il a reçu une instruction, sa bouche est muette et sa porte se ferme. J&rsquo;ai vu  des exemples précis. D&rsquo;un côté, il est naturel que l&rsquo;Etat puisse être  représenté en justice par un magistrat qui porte sa parole. Il est souhaitable  qu&rsquo;il y ait une politique pénale unifiée pour l&rsquo;ensemble du territoire et non  pas laissée à la discrétion de chaque Procureur général selon son propre  système de valeur ou de priorité. Mais il faut redonner au Procureur la liberté  de parole. Leur devoir les conduira à opérer comme on leur demande et en  indiquant qu&rsquo;on leur a demandé, les instructions devant être publiques. Ils  auront ensuite la faculté de dire ce qu&rsquo;ils pensent si c&rsquo;est différent de  l&rsquo;ordre reçu.
<p>Pour ce faire, il faut que leur carrière,  leur avancement, leurs décorations ne dépendent pas de l&rsquo;exécutif et qu&rsquo;ils ne  soient pas menacés à tout moment d&rsquo;être mis au placard parce qu&rsquo;ils auraient  déplus.</p>
<p>Telle est, à titre personnel, la réforme qui  me paraît souhaitable.</p>
<p>Elle sera beaucoup plus utile que l&rsquo;institution  des jurés-citoyens qui, en réalité, a consisté à faire entrer les tricoteuses  dans les salles d&rsquo;audiences dans l&rsquo;espoir de faire aggraver les peines que des  magistrats prétendument laxistes n&rsquo;oseraient plus prononcer. Vous connaissez le  débat qui a opposé le Président de la République au juge. J&rsquo;espère que ces  temps sont définitivement révolus.</p>