Les honoraires de l’avocat exerçant au pénal

Institut de défense pénale du Barreau de Marseille
Marseille, le samedi 11 février 2017

LES HONORAIRES DE L’AVOCAT EXERÇANT AU PÉNAL

I – RAPPEL DES TEXTES SUR LES HONORAIRES DE L’AVOCAT

Quelle que soit la matière concernée (civile, sociale, pénale ou juridique), les textes sont les mêmes:

  • loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 6 août 2015 dite loi Macron (du 6 août 2015 et non pas du 15 août comme indiqué par erreur sur le programme) ;
  • l’article L.112-6 du code monétaire et financier modifié par la loi du 9 décembre 2016 ;
  • l’article D.112-3 du code monétaire et financier et, pour les pénalités, l’article L.112-7 du même code ;
  • enfin, l’article 11 du règlement intérieur national, tel qu’il résulte de la loi, des décrets et des délibérations du Conseil national des barreaux.

A – LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1971

Elle a été modifiée par la loi du 6 août 2015 qui a modifié son article 10 en remplaçant ses premiers alinéas par les cinq alinéas qui suivent :

« Les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.

En matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires, les droits et émoluments de l’avocat sont fixés sur la base d’un tarif déterminé selon des modalités prévues au titre IV bis du livre IV du code de commerce.
Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

Toute fixation d’honoraires qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. »

Un article 10-1 a été ajouté : l’autorité de la concurrence est fondée à intervenir par application de l’article L.141-1 du code de la consommation si elle estime qu’une convention d’honoraires conclue par un avocat avec son client contient une clause illicite dont elle peut demander la suppression en s’adressant au Bâtonnier.

B – LES ARTICLES L.112-6, L.112-7 DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ET L’ARTICLE D.112-3

Ces dispositions législatives et réglementaires visent à limiter les paiements en espèces, dans le but de lutter à la fois contre la fraude fiscale et contre le blanchiment.

La loi fixe le principe d’une limitation.

L’article D.112-3 du code monétaire et financier, tel qu’il résulte de la dernière modification par décret du 30 décembre 2016, dispose :

« Le montant prévu (par la loi) est fixé :

1° Lorsque le débiteur a son domicile fiscal sur le territoire de la République française ou agit pour les besoins d’une activité professionnelle, à 1.000 euros pour les paiements effectués en espèces et à 3.000 euros pour les paiements effectués au moyen de monnaie électronique ;

2° Lorsque le débiteur justifie qu’il n’a pas son domicile fiscal sur le territoire de la République française et n’agit pas pour les besoins d’une activité professionnelle à 15.000 euros pour les paiements effectués en espèces et au moyen de monnaie électronique. »

Ainsi, l’avocat ne peut-il pas recevoir davantage que 1.000 € en espèces, incluant la TVA à 20 %, lorsque son client vit en France. S’il s’agit d’un non-résident qui est concerné à titre personnel, l’avocat ne peut recevoir plus que 15.000 € en espèces, sachant que, pour un non-résident, il n’y a pas de TVA.

Quelle est la sanction en cas de transgression de ces limites ?

L’article L.112-7 du code monétaire et financier dispose que les infractions sont constatées par des agents désignés par arrêté du ministre chargé du budget. Le débiteur qui a procédé à un paiement en violation des dispositions de cet article est passible d’une amende qui ne saurait excéder 5 % des sommes payées. Mais ce n’est pas seulement le débiteur, c’est aussi le créancier qui peut être condamné à payer cette amende, puisqu’ils sont ensemble solidairement responsables de l’infraction.

C – LE RÈGLEMENT INTÉRIEUR NATIONAL

J’invite tous les participants à se référer à l’édition Dalloz, code de déontologie, édition 2017, publiée par le Barreau de Paris et par l’éditeur, qui a le mérite de contenir évidemment tout ce qui est de l’ordre du règlement intérieur national, de sa jurisprudence et de la doctrine, mais aussi des règles propres au Barreau de Paris pour ceux d’entre vous qui pourraient être intéressés par les compléments apportés par ce barreau. En raison du nombre de ses membres, il est amené à traiter, de manière institutionnelle, tous les cas possibles de litiges d’honoraires et travaille à l’élaboration de la règle avec le Conseil national des barreaux et la Conférence des bâtonniers au sein du CNB.

Je rappelle quelques principes.

Notre déontologie nous commande d’être particulièrement soucieux de l’information du client, de la considération qui lui est due, de la loyauté dont on doit en user avec lui et de l’humanité dont on doit faire preuve. L’avocat n’a pas une relation commerciale avec son client. Il est tenu de se faire payer pour faire face à ses charges et gagner sa vie. Mais il n’est pas dans une relation d’intérêt.

Nous devons sans cesse nous reporter aux principes essentiels de la profession tels qu’ils résultent de l’article 1er du règlement intérieur national.

Il en découle un certain nombre d’obligations très précises.

II – LA MISE EN ŒUVRE

A – LA CONVENTION PRÉALABLE

L’avocat doit, dès le début de la relation avec son client, l’informer des modalités de facturation qui s’appliqueront.

Je laisse de côté ce qui est de l’ordre de la commission d’office, soit pour les gardes à vue, soit pour les affaires qui se plaident. Nous sommes régis en cette matière par un tarif qui ne dépend pas de la décision prise par chaque avocat dans sa relation avec son client.

En revanche, l’obligation d’information fait partie de nos devoirs déontologiques. Une lettre suffit à définir une convention d’honoraires. Elle peut aussi bien déterminer un taux horaire qu’un forfait, ou exprimer que l’avocat se contentera de ce que le client pourra lui donner avec le temps.

B – NATURE DE L’HONORAIRE

L’honoraire, même au pénal, peut faire l’objet d’une convention, prévoyant un honoraire de résultat. Mais si le client bénéficie de l’aide juridictionnelle au titre d’une commission d’office, l’avocat ne saurait y prétendre sans avoir préalablement remboursé l’indemnité qu’il a pu recevoir de l’aide juridictionnelle.

Quelques principes doivent être rappelés :

  • il est totalement interdit de pratiquer le partage d’honoraires avec un non-avocat apporteur d’affaires ou avec un avocat qui se serait borné à apporter l’affaire sans y travailler ;
  • en revanche, c’est une atteinte grave à la délicatesse que de ne pas rémunérer l’avocat auquel on a demandé son concours : c’est le cas lorsqu’on est chargé de la défense, hors le ressort de sa propre cour d’appel ou de son propre tribunal et que l’on a besoin d’un correspondant sur place.

Bref, ces principes, très sommairement rappelés ici, font l’objet de quantité d’interprétations et de jurisprudences dont on doit savoir qu’elles mettent toutes en avant l’obligation de loyauté et de délicatesse de l’avocat.

Signalons, au passage, qu’il n’existe pas de disposition particulière corrélative à l’avocat exerçant au pénal.

Mais les risques particuliers auxquels peut être exposé l’avocat mérite d’être rappelés et doivent faire l’objet d’une mise en garde extrêmement claire.

III – LES BONNES ET LES MAUVAISES PRATIQUES

A – QUI PEUT PAYER L’HONORAIRE ?

L’honoraire est dû par la personne que l’on défend. La personne que l’on défend, qu’elle soit libre ou détenue, dispose d’un compte bancaire personnel. Elle paie donc en chèque la facture d’honoraires qu’on lui a envoyée, comprenant naturellement la TVA.

Si elle paie en espèces, elle ne peut le faire que dans la limite de 1.000 € comprenant la TVA à 20 %, ce qui laisse un honoraire de 834 € pour une TVA à 166,8 €.

Il en résulte une grande tentation de non-déclaration. Or, la fraude fiscale commence, selon l’article 1741 du code général des impôts, à partir de la dissimulation d’une somme de 153 €, la peine encourue étant de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500.000 € depuis la loi du 14 mars 2012 (autrefois 37.500).

Les risques deviennent particulièrement élevés au préjudice de l’avocat lorsque le client est poursuivi pour fraude fiscale ou pour recel de blanchiment, ou encore pour proxénétisme si ce n’est pas lui qui vient payer directement les honoraires.

L’avocat, qui est payé par une dame à la place du prévenu de proxénétisme, venue en son cabinet lui remettre des espèces se situant autour de 5.000 € et qui les accepte, est passible des poursuites suivantes, à supposer qu’il déclare dans sa comptabilité les sommes reçues :

  • l’amende de 5 % prévue par l’article D.112-3 du code monétaire et financier, soit 250 € ;
  • s’il a omis d’inscrire la somme dans sa comptabilité et de payer la TVA, il encourt les pénalités prévues par le code général des impôts et les sanctions pénales soit, sur le fondement de l’article 1789 du même code, soit pour abus de confiance, ayant détourné un argent recouvré pour le compte de l’État ;
  • s’il n’a pas déclaré du tout le revenu reçu, il est coupable de fraude fiscale ;
  • si la dame qui lui a remis l’argent est la compagne du proxénète, il peut être en même temps soupçonné, s’il sait qu’elle est la prostituée dépendante du client, être tenu pour complice du délit de proxénétisme (article 225-5 du code pénal) ;
  • l’argent provenant d’un délit et surtout recyclé par le paiement de ses honoraires, il est coupable de recel de blanchiment, au sens de l’article 324-1 du code pénal.

Rappelons que le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect. La peine encourue est de cinq ans d’emprisonnement et de 375.000 € d’amende.

Certes, contrairement aux États-Unis, il existe en France une forme d’immunité non écrite dont bénéficient les avocats au titre de l’origine des honoraires qu’ils perçoivent, à condition toutefois qu’ils soient en règle avec les obligations financières et fiscales légales. Mais demain, un magistrat peut décider de demander compte à un avocat de l’origine des honoraires qu’il a perçus. Cela s’est déjà vu dans le passé. Je songe à une affaire qui se déroulait à Lyon où des avocats furent contraints de se déporter, sous la menace d’être poursuivis, parce qu’ils avaient été payés dans une affaire concernant des hommes politiques, par le biais d’une association.

B – LES PRÉCAUTIONS NÉCESSAIRES

Ne jamais accepter plus de 1.000 €, en prenant soin de les déclarer et de déclarer la TVA qu’ils comportent, quitte, lorsque l’on reçoit 1.000 €, à demander les 200 € supplémentaires, sachant que l’on ne s’exposera qu’au maximum à une amende de 5 % de la somme reçue au-delà des 1.000 €.

Je décommande cependant d’accepter des honoraires de quelqu’un qui est poursuivi pour des délits financiers ou, plus généralement, des infractions en rapport avec l’argent.

Si le client n’est pas en mesure de régler les honoraires qui lui sont demandés, il est évidemment possible d’être réglé par quelqu’un de son entourage à plusieurs conditions :

  • que la personne qui va remettre un chèque ne soit concernée par le dossier ni comme co-prévenu, ni comme partie civile, ni même comme témoin ;
  • qu’elle paie comme personne physique et non pas par le biais d’une société, sauf s’il s’agit de l’employeur qui prend en charge expressément les honoraires de l’avocat parce que la faute reprochée au client est en rapport avec ses fonctions dans l’entreprise ;
  • que le règlement par chèque soit accompagné d’une lettre à l’avocat indiquant expressément que ce chèque est destiné à régler la facture numéro tant en date du tant adressée à Monsieur ou à Madame untel pour régler les honoraires relatifs à sa défense ;
  • qu’au cas où ce serait la société, SA, SARL, SAS dont le prévenu est actionnaire, qui réglerait, il serait indispensable d’avoir une lettre du représentant légal ou de l’expert-comptable précisant que cette somme est prélevée sur le compte courant créditeur que le client détient dans la société.

Si le client n’est pas résident en France, les honoraires perçus en espèces peuvent atteindre 15.000 €, avons-nous dit. S’il s’agit encore d’un client non-résident poursuivi par une juridiction répressive française ou agissant personnellement au civil, il n’est pas débiteur de la TVA.

CONCLUSION

La défense pénale expose à des dangers. Elle requiert tout le courage nécessaire pour défendre avec détermination et tenter de limiter les conséquences d’une incrimination. L’avocat pénaliste plaide sans trembler. Mais il est d’autant plus libre dans ses paroles et dans ses écrits qu’il est irréprochable dans le cadre de sa relation financière avec son client.

La liberté a son prix. Ne la bradons jamais.

 

Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel