LA FAUTE MAJEURE D’UN JUGE

CCB/VP

11.05.06

LA FAUTE MAJEURE D’UN JUGE

Le juge Van Ruymbecke vient de manifester publiquement, à propos de l’affaire Clearstream, son indignation au prétexte qu’il aurait été manipulé par un témoin.

Ce magistrat était connu jusqu’à ce jour pour sa discrétion légendaire et pour son calme imperturbable et glacé. Archétype du juge d’instruction, redouté et tout-puissant, il incarnait à lui seul la loi, inébranlable et indestructible comme une statue de marbre.

Avec stupéfaction, on a pu découvrir sur les écrans de télévision un vieux jeune homme en colère vitupérant ses ennemis et se défendant avec agressivité d’en avoir été la dupe.

De quoi s’agit-il ?

Tout simplement d’une faute majeure. Elle illustre une nouvelle fois les dérives de l’instruction judiciaire à la française confiée à des magistrats enquêteurs qui se prennent pour des juges, que personne n’ose ou ne veut contrôler et qui s’affranchissent au nom de leur souverain et supérieur libre arbitre, des règles de droit auxquelles ils devraient être les premiers à se soumettre.

En effet, ce magistrat a consenti, il y a un an, à entendre, au cabinet d’un avocat, les déclarations d’un témoin qui voulait rester anonyme, sans en effectuer la transcription et, bien entendu, sans s’être fait accompagner de son greffier.

Or il ne pouvait recevoir ce témoin qu’en son cabinet, ne l’entendre que par procès-verbal après lui avoir fait décliner son identité.

Pour ne pas avoir respecté la règle, M. Van Ruymbecke s’est exposé à tous les soupçons. Pire ! Pour s’en défendre, le voici qui viole le secret de l’instruction et accable, comme une victime, le témoin qu’il s’était engagé à protéger. Le juge irréprochable qui avait, sous la foi du palais, conclu un pacte de silence avec l’avocat de ce sycophante devient contre lui un témoin à charge !

 

Sans aucun doute, il ne peut plus continuer à instruire dans cette affaire ou dans celles, connexes, qui lui étaient confiées. Une forme de discrédit qui le touche rejaillit sur toute l’institution et ses auxiliaires.

La preuve est une fois de plus rapportée qu’on ne peut incarner la rigueur qu’en l’exigeant d’abord de soi-même et qu’une instruction sans véritables contrôles discrédite la justice au lieu de la servir.

Paris, le 10 mai 2006

Christian Charrière-Bournazel