Gérard ET Julien GARCIA : les « Miettes de bonheur »

CCB/VP

07.07.11

PRÉFACE DE M. Christian CHARRIÈRE-BOURNAZEL, AVOCAT, ANCIEN BÂTONNIER DE PARIS,

POUR LE LIVRE DES RÉVÉRENDS PÈRES

Gérard ET Julien GARCIA : les « Miettes de bonheur »

Le 9 avril 2012, Gérard et Julien Garcia, ces frères jumeaux, célébreront leur jubilé de sacerdoce. Ils ont été ordonnés prêtres en 1952 et fêteront donc leurs soixante années de prêtrise.

L’honneur qu’ils m’ont fait de préfacer cet ouvrage me touche d’autant plus qu’ils m’ont interdit de faire leur panégyrique.

Je n’évoquerai donc ni ma rencontre en 1973 avec Gérard Garcia lorsque j’étais coopérant au Maroc, ni celle que je fis quelque temps plus tard avec Julien à Rabat, ni les intenses moments partagés lors des rassemblements dont ils sont, comme des magiciens, les organisateurs hors pair.

Ils ne m’en voudront pas, je présume, d’évoquer ici quelques parcours de spiritualité par eux ouverts et sur lesquels infatigablement ils cheminent, en tête de la petite cohorte de leurs paroissiens qui tous deviennent leurs amis.

Être chrétien, c’est d’abord avoir la passion de l’autre. Ni compassion, ni complaisance, mais l’amour d’autrui tel que le Christ l’a enseigné et dont ils savent si bien parler : « Qui prétend aimer Dieu et qui n’aime pas son prochain n’est qu’un menteur !».

À cette phrase du Christ fera écho le vers de Victor Hugo :

« O insensé qui crois que je ne suis pas toi ! ».

L’autre, en effet, n’est pas une abstraction, mais un être de chair et de sang, d’esprit et de cœur, de déceptions assumées et d’infatigables espérances. Pour Gérard et Julien, en rendre compte avec des mots n’est rien. Seul l’acte compte et je ne pourrais dénombrer tous les hommes et toutes les femmes qu’ils connaissent au fond de leur cœur et dont ils portent les joies et les peines comme si elles étaient les leurs.

Au Maroc ou en France, quand ils ne rassemblent pas, ils sillonnent les routes à la rencontre de chacun, n’oubliant personne, ayant le souvenir de tous et le souci de leur devenir. « Je me suis fait tout à tous afin d’en sauver à tout prix quelques uns », telle est leur maxime.

D’un enthousiasme infatigable, ils sont inaltérablement unis à la joie du Père. Ils en rayonnent, ils la communiquent, ils l’entretiennent. Ils allument partout le feu de l’espérance.

La seconde voie qu’ils ouvrent est celle du témoignage. On ne garde pas Dieu pour soi comme un trésor enseveli dans le jardin. Dieu rayonne et nous sommes invités à en être partout les témoins, non par des mots mais par des actes. Ils nous invitent à imiter Jean-Baptiste, le témoin par excellence, dont à leurs yeux les trois caractéristiques sont l’humilité, le désintéressement et le courage.

Dans l’église d’Oujda, Gérard nous faisait chanter la chanson du Père Duval : « N’attends donc pas que la nuit s’achève ! N’attends donc pas que finisse ton rêve! ». Il était inapte à la colère, mais sujet aux emportements qui étaient autant d’élans mystiques nous pressant d’incarner notre foi dans le quotidien de la vie. Il aurait pu faire siennes les paroles de Charles Péguy :

« Que le spirituel couche toujours dans le lit de camp du temporel !

Que le spirituel ne manque point du charnel !

Que Dieu ne manque pas de sa création ! ».

Nos pasteurs savaient réveiller leur troupeau en bergers accomplis, avec modestie, charité et détermination.

Enfin, ils ont cultivé le génie de l’enfance, tel que le Christ nous l’a enseigné : « Celui qui se fera petit comme ce petit enfant là, celui-là est le premier dans le Royaume des Cieux ».

Loin de la mièvrerie ou de la puérilité, ce sens de l’enfance a été magnifiquement exalté par Georges Bernanos lorsqu’il évoque, dans la préface des Grands cimentières sous la lune sa propre destinée :

« Certes le plus mort des morts est le petit enfant que je fus et pourtant, le moment venu, c’est lui qui reprendra sa place à la tête de ma vie et rassemblant mes pauvres années jusqu’à la dernière, comme un vétéran ses troupes, entrera le premier dans la maison du Père ».

Les pages qui suivent sont celles de deux prêtres dont la foi se fortifie dans la prière, aussi essentielle que la respiration. Pour vous convaincre qu’elle peut nous transformer tous, ils commentaient comme personne ce verset de l’Évangile :

« Si votre fils vous demande un pain, allez-vous lui donner une pierre ? Et s’il vous demande un poisson, lui donnerez-vous un serpent ou un scorpion ? Alors si vous, tout méchants que vous êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui l’en prient ! ».

Puissent-ils, Gérard et Julien, rayonner longtemps encore sur ce peuple qui leur a été confié et auquel je suis fier, avec les miens, d’appartenir.

Paris, le 6 juillet 2011

Christian Charrière-Bournazel