LES HONORAIRES DE L’AVOCAT

06.09.13

CCB/VP

LES HONORAIRES DE L’AVOCAT

Dans une remarquable étude parue chez Lextenso Éditions, le professeur Christophe Jamin a retracé l’évolution de la notion d’honoraires depuis l’époque où le barreau l’avait conçu comme la manifestation spontanée de la reconnaissance du client jusqu’à l’époque contemporaine où sont en jeu la notion d’honoraires complémentaires de résultat et l’éventuel pacte de quota litis.

À l’activité judiciaire, rémunérée en toute liberté, de manière anarchique, s’est ajoutée en 1971 la rémunération de la postulation, réglementée par décret, puis en 1991, avec le développement des activités de conseil et de rédaction d’actes, s’est posée la question de l’honoraire proportionnel que certaines jurisprudences ont voulu assimiler à un pacte de quota litis interdit. Absurdité puisque « litis » signifie « procès » alors que le conseil ou la rédaction d’actes sont précisément hors le champ judiciaire.

La possibilité offerte à l’avocat de développer de nouvelles activités en sa qualité de mandataire semble le placer en situation de concurrence avec d’autres professionnels non avocats. Dès lors, peut-il prétendre à une rémunération sous la forme de commissions ?

En 91 s’est ajouté à l’honoraire traditionnel « un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ». La jurisprudence a hésité entre deux conceptions : d’un côté, si l’honoraire est complémentaire, il ne peut être qu’un accessoire limité de l’honoraire principal, celui qui rémunère les diligences. D’autres arrêts ont estimé que le service rendu peut justifier un honoraire complémentaire plus important que l’honoraire de diligences si ce résultat est considérable.

Qu’il me soit permis de délivrer quelques réflexions de nature à revenir à l’essentiel, hors tout juridisme stérile.

1) L’honoraire de l’avocat est une rémunération

Nous vivons dans un monde de réalités économiques qui nous impose d’être aussi vigilants sur la rémunération de nos prestations que sur les débours, taxes et charges de toutes sortes que nous devons payer.

La profession d’avocat, heureusement, n’est plus réservée aux fils de famille dont les revenus provenaient de leur patrimoine. On se rappelle l’anecdote survenue au jeune Gaston Monnerville désireux de s’inscrire au barreau de Paris après avoir été avocat à Toulouse. Le bâtonnier à qui il venait demander de l’inscrire le plus rapidement possible lui répondit : Pourquoi ? – Mais pour gagner ma vie ! dit le jeune avocat – Comment ? Vos arrières ne sont pas assurés ! lui répondit le bâtonnier.

 

2) La convention d’honoraires

À l’inverse des prestations tarifées, l’honoraire de l’avocat est libre, qu’il s’agisse des honoraires de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoiries. La loi précise aussitôt qu’ils sont fixés « en accord avec le client ».

Le deuxième alinéa de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, tel qu’il résulte de la loi du 10 juillet 1991, dispose qu’à défaut de convention entre l’avocat et son client, l’honoraire est fixé selon les usages et énumère cinq critères à prendre en considération pour leur détermination : la fortune du client, la difficulté de l’affaire, les frais exposés par l’avocat, sa notoriété et enfin ses diligences.

Ce principe de liberté de l’honoraire ne se confond pas avec l’arbitraire. L’honoraire se trouve placé sous le contrôle du bâtonnier qui en est l’arbitre et dont la décision peut être déférée à la Cour d’appel puis à la Cour de cassation. Ce contrôle est justifié par l’état de plus ou moins grande dépendance dans laquelle se trouve le justiciable au moment où il se confie à l’avocat dont l’assistance lui est nécessaire. De la sorte, avec ou sans convention écrite préalable, l’honoraire peut toujours être discuté même lorsqu’il a été payé. La situation n’est pas la même pour le particulier qui s’en remet aveuglément à l’avocat dont il a besoin et le directeur juridique d’une entreprise, dont les connaissances et l’expérience lui permettent de parler d’égal à égal avec son conseil.

La convention d’honoraires, précise et détaillée, ne constitue pas la garantie que le consentement du client était parfaitement éclairé au moment où il l’a acceptée. Sa force obligatoire est moindre que celle d’une convention régie par les dispositions communes du code civil. Les principes essentiels de délicatesse, de probité et de modération donnent à nos clients une faculté plus grande de contester, à charge de prouver l’erreur ou le dol. Le client de l’avocat est fondé à invoquer, même en présence d’une convention écrite, la contrainte morale qu’il aurait subie.