L’école du service et de l’indépendance

C’est à vous, chères futures consœurs et chers futurs confrères, que je veux parler. Vous venez d’entrer à l’Ecole de Formation des Barreaux de la Cour d’appel de Paris. Soyez assurés que vous y êtes accueillis avec bonheur. Vous êtes, en effet, les avocats de demain. Vous portez, avec toutes les qualités de votre jeunesse, un avenir que nous allons vous aider à façonner.

Après le temps, nécessaire, des études qui n’avaient pas encore de prolongement concret, vous allez apprendre la mutation des concepts dans le réel. Vous allez être initiés à cette alchimie particulière entre ce qui est de l’ordre de l’esprit et ce qui est de l’ordre du vivant. Vous avez formé vos intelligences à l’apprentissage du droit, sous toutes ses formes. Vous allez maintenant le confronter à la vie.

En effet, nous ne sommes pas avocats pour nous-mêmes mais pour les autres. L’avocat met au service de ceux qui font appel à lui sa connaissance de la règle, de la jurisprudence, de la doctrine afin d’organiser le magma des faits et de lui donner une forme. C’est ainsi que nous faisons triompher le juste sur le désordre des forces.

Le métier d’avocat, qu’il soit consacré au conseil ou à la défense, ne serait rien sans une conscience aiguë de ce que nous n’existons que pour les personnes que nous avions mission de servir.

Des avocats vont vous apporter le fruit de leur expérience, grâce aux techniques de rédaction, de négociation ou de plaidoiries qu’ils ont eux- mêmes acquises et améliorées jour après jour dans l’exercice quotidien de leur art. Vous accomplirez des stages dans les cabinets d’avocats, dans les juridictions, dans de grandes écoles, dans des entreprises. Cette confrontation de votre intelligence et de votre culture avec le réel vous passionnera.

Vous apprendrez aussi la déontologie. Elle n’est pas seulement faite de règles contraignantes auxquelles l’avocat doit se soumettre. Elle est aussi l’expression de l’éthique sans laquelle nous ne serions que des marchands de droit. Or, nous sommes beaucoup mieux que cela. La déontologie nous pousse à être toujours plus exigeants avec nous-mêmes, toujours plus attentifs à l’autre, y compris à l’adversaire de celui que nous assistons, adversaire à qui nous devons reconnaître les mêmes droits que ceux que nous revendiquons.

C’est grâce à la déontologie, à notre indépendance, à notre respect du secret, à notre vigilance sur le conflit d’intérêts, à la distance que nous devons toujours garder à l’égard des intérêts qui nous sont confiés, que nous sommes préférés à d’autres professionnels. Le souci d’une éthique toujours plus exigeante, loin de nous limiter, nous fait grandir.

Je ne veux pas seulement vous souhaiter bienvenue. Je vous passe le flambeau et vous remet avec confiance la charge de porter avec nous notre honneur commun que vous transmettrez ensuite, en les accompagnant, à vos propres successeurs quand nous ne serons plus.

Aujourd’hui, soyez assurés de ma fierté à vous accueillir et du bonheur que j’éprouve à cheminer avec vous.

Christian Charrière-Bournazel