Justice coûte que coûte : la décision QPC relative aux taxes contributives de 35 et 150 €

Justice coûte que coûte : la décision QPC relative aux taxes contributives de 35 et 150 €


La décision du Conseil Constitutionnel rendue ce 13 avril 2012 déclare conformes à la constitution les dispositions des lois de finances rectificatives du 30 décembre 2009 et du 29 juillet 2011 qui avaient institué l’une, une taxe de 150 € pour chaque procédure d’appel afin d’indemniser les anciens avoués, et l’autre, une autre taxe de 35 € destinée à abonder l’aide juridictionnelle.

Le Conseil national des barreaux, partie à ces deux procédures que le Conseil avait jointes, a donc perdu cette bataille pour la gratuité de l’accès à la justice. Loin de moi l’idée de me lancer dans je ne sais quelle diatribe contre cette très haute institution à qui nous devons, notamment depuis l’invention de la QPC, des décisions essentielles pour la protection des droits et des libertés.

Mais nous savons aussi depuis Beaumarchais que « sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur » et j’ai l’espoir d’exprimer, dans l’avenir le plus proche, tout le bien que m’auront inspiré de nouveaux arrêts rendus par les sages de la rue Montpensier.

Pour l’heure, nous voyons revenir le bon vieux temps des timbres et des droits en attendant d’autres vignettes.

Le Conseil estime que leur montant est en l’espèce si modéré qu’il ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit d’exercer un recours effectif, pas plus qu’il n’attente aux droits de la défense. Mais la portée symbolique de ces nouvelles barrières à l’entrée des juridictions est fâcheuse, même si on les enjambe sans trop de difficulté. Payer l’État pour accéder à la justice qu’il doit à tous, au nom de tous, est dans son principe choquant d’autant que dans le même temps ce même État fait tout pour « déjudiciariser », c’est-à-dire restreindre autant qu’il le peut l’accès au juge.

En second lieu, c’est une mesure d’autant plus critiquable qu’elle frappe le citoyen au moment où il ne peut pas faire autrement que de recourir à la justice.

J’avais proposé il y a quatre ans (et je n’étais ni le premier, ni le seul) une solution assez cohérente pour abonder le budget de l’aide juridictionnelle. Au lieu de faire payer le justiciable à l’occasion du procès qu’il est obligé d’engager ou de subir, il semblait plus raisonnable d’instituer une contribution perçue à l’occasion de la signature de toute convention soumise à publicité ou à enregistrement, de tous les contrats d’assurances non obligatoires et des contrats de prêt aux fins d’acquisitions immobilières, contribution limitée par exemple aux 35 € qui viennent d’être validés. On mutualiserait de la sorte le risque judiciaire en faisant payer une somme modique à l’occasion du contrat dont l’enjeu économique est d’une valeur bien supérieure à cette contribution, rendant ainsi indolore son prélèvement.

On m’avait rétorqué au plus haut niveau, à Bercy même, que le timbre était démodé et que de toute façon on ne pouvait inventer une taxe nouvelle en vertu des règles européennes.

Il est vrai que l’idée, critiquable venant d’un avocat, devient légitime lorsque l’État la fait sienne. Personne ne songerait à y redire.

Il nous reste à espérer qu’une nouvelle législature prendra en compte notre projet, dont le Parti Socialiste avait fait une proposition de loi qui a été rejetée.

Continuons à taper contre la porte : il faudra bien qu’à la fin elle cède.

Christian Charrière-Bournazel
Président du Conseil national des barreaux